La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 « pour la confiance dans l'institution judiciaire » a généralisé en France la Cour Criminelle Départementale, juridiction appelée à remplacer la Cour d’Assises pour juger en premier ressort les personnes majeures accusées d'un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsque celui-ci n'a pas été commis en état de récidive légale et lorsqu’aucun co-accusé ne relève de la Cour d’Assises.
Cette jeune institution, très décriée au motif qu’elle écarte le jury populaire d’une grande part du contentieux criminel, se trouve aujourd’hui mise sur la sellette à la suite d’une décision rendue le 20 septembre 2023 par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation.
Celle-ci a en effet partiellement accueilli plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité contestant la conformité de la Cour Criminelle Départementale avec les principes fondamentaux de notre droit pénal.
La première question examinée par la Chambre criminelle était ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 380-16 et 380-17 du code de procédure pénale méconnaissent-elles le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel il appartient à un jury populaire de juger les crimes de droit commun ? »
Plus que juridique, cette question est philosophique et, comme telle, politique au sens le plus noble du terme.
C’est donc une vraie surprise de voir les hauts magistrats de l’ordre judiciaire l’accueillir sans réserve en relevant « qu'elle tend à ériger en principe fondamental reconnu par les lois de la République la participation des jurés au jugement des crimes de droit commun » et en décidant en conséquence de la renvoyer au Conseil Constitutionnel, rappelant au passage que ce principe a déjà été « évoqué » par les Sages dans leur décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986.
Un même accueil favorable est réservé par la Chambre Criminelle à trois autres questions ciblant l’atteinte au principe d’égalité devant la loi que porterait la création de la Cour Criminelle départementale. Les auteurs des questions mettent ainsi en avant les modalités du vote sur la culpabilité de l’accusé ou sur le prononcé de la peine maximale (à la majorité simple devant la Cour Criminelle départementale mais à celle des sept neuvièmes devant la Cour d’Assises) ou encore le fait que, pour un même crime puni de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle, non commis en état de récidive, et relevant donc en principe de la Cour Criminelle départementale, un accusé peut comparaître devant la Cour d'Assises si l’un de ses co-accusés relève lui-même de cette juridiction.
Ici encore les hauts magistrats approuvent, en notant que « ces différences de traitement sont susceptibles de porter une atteinte excessive au principe d'égalité des citoyens devant la justice » et en renvoyant en conséquence les questions devant le Conseil Constitutionnel.
Lequel dira (à la majorité simple mais avec la voix prépondérante de son président en cas de partage !) si la Cour Criminelle Départementale est coupable des faits dont elle est accusée, ou s’il convient de l’acquitter.
Maîtres Frédéric DELAMEA et Sammy JEANBART, avocats pénalistes au Barreau de VERSAILLES